PREMIERE MOITIÉ DU XVII° SIÈCLE                   293
niveau de l'art décoratif en France, tandis que tout le génie de Rubens parvenait à peine à retarder de quelques années la déca­dence de l'industrie bruxelloise.
C'est seulement depuis peu de temps que les recherches des éru­dits sont parvenues à déterminer avec certitude les œuvres de cette période mal connue jusqu'ici. On a constaté tout récemment que les spécimens de cette renaissance de l'industrie textile en France présentaient une fraîcheur, une originalité, un charme, une entente des conditions de l'art décoratif, qui se rencontrent bien rarement par la suite. Il est telle bordure, comme celle de l'Abraham con­duisant Isaac au sacrifice, qui, à l'aide des procédés les plus simples, n'employant que des ornements et des figures en camaïeu gris sur fonds saumoné, produit l'effet le plus riche et le plus harmonieux. D'ailleurs, à cette époque, les auteurs des cartons donnent avec raison une importance considérable aux encadre­ments; ils se montrent aussi très heureusement inspirés dans le choix des éléments de la bordure. Les tapisseries datant des règnes -> de Henri IV et de Louis XIII sont particulièrement intéressantes à étudier à ce point de vue.
Jamais roi de France ne s'était préoccupé au môme degré que Henri IV des besoins cles manufactures et des mesures à prendre pour fonder leur prospérité sur des bases durables. On peut dire que l'honneur des grands établissements qui font la gloire du règne de Louis XIV lui revient pour la meilleure part; c'est lui qui pré­para les voies, qui eut le premier l'initiative de toutes les mesures appliquées et développées plus tard par Colbert; c'est Henri IV enfin, et non Louis XIV, qui est le véritable fondateur de la manu­facture des Gobelins.
Nous l'avons vu préoccupé d'un projet d'installation de tapissiers en Béarn, bien avant son avènement à la couronne de France; nous avons raconté comment, au milieu des soucis et des diffi­cultés que lui suscitait encore l'hostilité des ligueurs, il avait trouvé le loisir de songer à installer les meilleurs tapissiers de la Trinité dans la maison professe des jésuites d'abord, puis dans la grande galerie ' du Louvre. Ce n'est guère qu'après la pacification du royaume, c'est-à-dire après la paix de Vervins (1598), qu'il put mettre en pratique ses vastes et féconds projets.
La France manquait d'ouvriers exercés, et il eût fallu bien cles années aux maitres sortis de la Trinité pour former le personnel